Franc CFA – ECO : Et si la solution était voisine ?

29 juin 2019 : A Abuja, les dirigeants de la CEDEAO adoptent officiellement le nom d’ECO pour la monnaie communautaire
07 novembre : Parution de l’interview accordé par le Président de la République du Bénin aux médias France 24 et RFI
21 décembre 2019 : A Abidjan, Alassane Ouattara et Emmanuel Macron annoncent trois changements de taille pour l’avènement de l’Éco
1er juillet 2020 : C’est la date à laquelle était prévue la sortie officielle de l’Eco mais le projet n’est pas encore finalisé
19 juin 2021 : Le lancement officiel de l’ECO de la CEDEAO a été reporté à l’horizon 2027

 

 

 

Contexte

Le lancement officiel de la monnaie communautaire de la CEDEAO est désormais reporté à 2027. Après des progrès encourageant ces dernières années, les ardeurs ont été refroidis quand le Nigéria a demandé un report du lancement de l’ECO, à la suite du défaut d’atteinte des critères de convergence par certains pays. Cependant, d’après plusieurs observateurs, la décision du Nigéria serait liée à l’annonce conjointe des présidents de la Côte d’Ivoire et de la France en décembre 2019, relative au toilettage du Franc CFA (Franc de la Communauté financière en Afrique) qui sera rebaptisé ECO, du nom retenu pour la CEDEAO pour sa monnaie communautaire.

Du Franc CFA à l’Eco, il est prévu : le retrait de tout administrateur français de la gestion de la Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO), la fermeture des comptes d’opérations et la levée de l’exigence de réserves de change des pays francophones d’Afrique de l’Ouest dans les livres du Trésor français ainsi que la continuité d’une garantie de la nouvelle monnaie par la France.

Cependant, les changements annoncés laissent perplexes les détracteurs du Franc CFA qui la considèrent comme une monnaie coloniale privant les pays de l’UEMOA d’une souveraineté totale. Encore que le timing de l’annonce de la nouvelle monnaie soulève des suspicions sur le désir de la France de couper court au projet de la CEDEAO. Quel avenir pour une monnaie communautaire de la CEDEAO ? Et si cette monnaie communautaire existait déjà ? Faut-il continuellement réinventer la roue ?

Entre le Franc CFA de l’UEMOA techniquement pratique et l’Eco de la CEDEAO politiquement solide

Sous forme de manifestations populaires, déclarations et révélations de personnalités publiques, les appels à une réforme du Franc CFA se sont faits de plus en plus pressants ces dernières décennies. Les populations de l’UEMOA ont exprimé leurs inquiétudes relatives au fonctionnement de la monnaie utilisée depuis 1945 dans la Zone, notamment sur ses liens avec la France et l’Euro.

Pour les politiques et les autorités monétaires, les revendications autour du FCFA relèvent plus de la perception (d’une monnaie dite colonialiste) que du fonctionnement technique de la monnaie. En effet, selon eux, loin d’être un instrument de contrôle de la France sur les pays de la zone, le franc CFA serait techniquement pratique car permettant d’assurer la « stabilité des prix » de la zone. D’un côté, nous avons donc le franc CFA, dont la politique monétaire est aisée à déployer par la banque centrale et dont le principal avantage est un régime de change fixe, favorisant les importations plus que les exportations.

De l’autre côté, nous avons l’Eco de la CEDEAO qui vise à faciliter l’intégration économique des pays utilisateurs et qui intègre un régime de change flexible favorable aux exportations, soulageant ainsi les balances commerciales des pays adhérents. Outre ses perspectives économiques attrayantes, l’Eco de la CEDEAO est avant tout un test de crédibilité des 15 pays de la zone, quant à leur capacité à développer une monnaie commune reposant sur une économie à fort niveau d’intégration. A ce jour, le grand défi pour arriver à l’Eco reste l’atteinte des critères de convergence par l’ensemble des pays de la zone.

Le Naira, l’évidente alternative que l’UEMOA s’interdit de considérer

Avec son Eco, l’UEMOA risque de casser la dynamique monétaire au sein de la CEDEAO en renouvelant sa confiance à un franc CFA « rebaptisé ». Pour avancer concrètement sur la question de la monnaie, n’aurait-il pas fallu que les pays de l’UEMOA fassent un geste de rupture décisif vis-à-vis de la France et de l’Euro ?

La fin du « bail » du franc CFA était l’occasion propice de tester la résistance des économies des pays de l’UEMOA dans un système de change flexible, ou dans un système dual, au sein duquel cohabitent plusieurs monnaies. Dans le cadre strict des échanges entre commerçants béninois et nigérians par exemple, il est notoire que le Naira et le franc CFA sont couramment utilisés par les deux populations. Il en est de même pour les échanges entre le Togo et le Ghana d’une part, et le Ghana et la Côte d’Ivoire d’autre part.

Dans une CEDEAO qui englobe deux grandes zones monétaires plus une monnaie. La réflexion autour d’une monnaie communautaire devrait intégrer la possibilité pour tous les pays de la zone d’utiliser, en plus de sa monnaie, une ou plusieurs monnaies voisines. Pour les pays de l’UEMOA, une telle expérience apporterait des indications sur le fonctionnement et l’impact d’une monnaie à change flottant sur les échanges.

Le Naira, piloté par le Nigéria depuis 1973 est peut-être la monnaie qui se rapporte le plus de l’idéal de la monnaie unique tel que souhaité par la CEDEAO. Les pays comme le Bénin ou le Togo (seul pays à avoir atteint pour l’heure les critères de convergence) pourrait, dans un cadre économique et politique défini, faire l’expérience de l’utilisation de la monnaie nigériane et en tirer des observations utiles pour le reste de la zone.

 

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